DES ANTILLES AUX AÇORES

   Après le convoyage de la "cigale des mers " (la cigale de merde comme dit Bernard son capitaine), après un nombre inimaginable de galères en tout genre (dont la liste pourrait me faire passer pour un affabulateur), après une dérive dans la mer des Caraibes sauvés par les coast-guards, après avoir été immobilisé pendant plusieurs jours sur un île deserte, après le Chicago des Antilles (St Martin), j'ai finalement retrouvé mon Bigorneau en Guadeloupe où je l'avais laissé quelques semaines auparavant , les derniers préparatifs pour la traversée de retour, une tendinite au poignet (maladie des navigateurs solitaire parait il) et une alerte rouge pour très forte houle sur les Caraïbes (provoqué par une "puissante tempête" un peu plus au Nord (glupps)) tout cela m'a  retardé dans mon programme, je compte partir pour les Açores, je fais un petit peu dans mon froc car je suis un peu tôt en saison, on verra bien, j'espère que Neptune aura un peu d'indulgence pour ma candeur.

-Vendredi 21 mars 2008

    Tout est prèt, je compte partir ce matin, je n'ai plus qu'a installer des petits penons fait avec une vieille bande magnétique pour indiquer la direction du vent mais juste au moment de les installer sur les bas haubans je m'apercois que l'un d'eux est abimé et que deux fils d'inox du monotoron sont coupés, MERDOUM! que j'me dit, est ce que je tente de traverser avec un hauban défectueux? Ben non mon garçon que j'me répond! ni une ni deux je grimpe dans le mât, démonte le câble et file chez un accastilleur sur le port, mais je trouve la porte férmée car c'est jour férié aujourd'hui (Vendredi saint, et en Guadeloupe, plus que partout ailleurs, on est très très religieux dès qu'il s'agit de jours fériés, pas un magasin n'est ouvert) en plus demain c'est samedi (fermé) après demain c'est le jour de la messe (fermé), lundi c'est Lundi de Pâque ( férmé), et Mardi je suppose que le gréeur se remettra de son long week-end et je n'aurais pas non plus mon câble ce jour là, CREUGNEUGNEU!!! je me maudis car j'aurais dû, quand j'ai changé mon gréement, utiliser du cable souple avec des cosses et des serre-cables, tout serait déja changé en moins de deux, au lieu de ça, je suis tributaire du bon vouloir d'un tiers car les manchons de câble, en plus de valoir la peau des fesses, nécessitent une presse spéciale j'ai été stupide je retiendrais la leçon à l'avenir...

-Mercredi 26mars 2008

    9h Je viens juste d'avoir mon nouveau câble, instalation en moins d'une demi heure et je quitte dans la foulée la Marina de Pointe-a-Pitre direction les Açores 2200 milles, le temps est gris et  l'alizé souffle assez fort (25 noeuds force 5) plein Ouest ce qui change des jours précédents ou il était Nord-Ouest, donc c'est pas mal pour commencer mais il faut quand même tirer des bords pour passer dans le chenal que forme la Guadeloupe, Marie-Galante et la Désirade.

    Ça commence bien j'ai le mal de mer et je suis tout fébrile!

-Jeudi 27 mars 2008

    Dans l'atlantique, près serré 20/25 noeuds de vent (il ne faut pas se tromper l'alizée n'est pas un vent de "demoiselle" ça souffle souvent très musclé) et je suis MALADEUEUEUX, il faut que je me secoue sans cesse pour faire toutes les petites choses nécessaires pour le bateau (la croisière s'amuse).

-Vendredi 28 mars 2008

    Le vent a forcis 30 noeuds en rafales, j'ai passé la nuit dans un état comateux et j'ai une migraine d'enfer (la croisière s'amuse beaucoup) heureusement le vent se calme dans l'après midi, le près serré n'est pas l'allure préférée de Little Bigorneau mais il a l'avantage de ne pas avoir besoin de pilote ou de régulateur, il tient son cap tout seul comme un grand avec juste un bout de chambre à air sur la barre, mais ça cogne parfois très dure dans les vagues .

-Mardi 1er avril 2008

    Drôle de poisson! le vent a monté dans la nuit force 8 Nord-Ouest (curieusement le baromètre au lieu de chuter comme dans les régions tempérées, a monté de presque 12hpa en l'espace de 7heures, donc apparemment ce n'est pas une dépression tropicale, en plus ce n'est pas la saison, moi pas comprendre!) malgré  la grand-voile avec trois ris et le tourmentin le bateau ne veut plus rien savoir, je met à la cape avec le tourmentin à contre et la barre amarée sous le vent, le confort revient à peu près acceptable, mais au petit matin je m'apercois que j'ai dérivé de 30 milles en à peine 8 heures, retour vers les Antilles après tant de mal pour gagner du terrain, coup de bambou! (la croisière s'amuse énormément) j'affale le tourmentin dans l'espoir de dériver un peu moins, en plus j'ai l'impression que le vent forcis encore (mais je pense que c'est psychologique car c'est difficile à aprécier vraiment) à sec de toile, le bateau est livré à lui même je me fait rincer bien comme il faut (pensé à revoir l'étanchété de la descente) tout est trempé à l'interieur (la croisière s'amuse un peu moins) pour couronner le tout, l'aérien du régulateur se disloque avec le vent (pas grave j'en ai un autre de rechange), une heure plus tard c'est la partie émergée qui se fait la malle, la pièce centrale en aluminium a explosée en trois morceaux (là, c'est plus embêtant car je n'en ai pas de rechange) c'est de ma faute car j'aurais dut démonter la pale de l'émergé dès que je me suis mis à la cape car les forces encaissées sont terribles pour les petites pièces du pilote, j'ai bien essayé, mais j'ai abandonné après avoir m'être fait submerger plusieurs fois, faillis me faire broyer les mains trois fois (par les à-coups) et que le vent, quand j'étais alongé sur la plage arrière, s'est pris dans ma veste de quart me gonflant comme un ballon, j'ai crus que j'allais m'envoler! basta que j'me suis dit (la croisière ne s'amuse plus trop), j'ai temps bien que mal assuré le régulateur avec des chambres à air mais ça n'a pas suffit (c'est le défaut des régulateurs navik qui contrairement aux autres modèles ne se relèvent pas facilement de l'eau, j'aurais peut être dut faire "sauté" la sécurité et le faire trainer à l'arrière, les forces auraient alors été moins importantes).

 

Je dérive quand même de 20 milles dans le restant de la journée, callé dans ma couchette trempée, je bouquine en mangeant des petits gâteaux, finalement ça ce passe assez bien, en plus c'est rigolo car le matelas sous mon poids se gonfle et se dégonfle en faisant des bruits évocateurs, le seul problème, le vent ne souffle pas dans la bonne direction.

P.S: précaution à prendre à l'avenir: assurer les planches de fermeture des descentes, car le vent souffle tellement fort qu'il arrache la planche des mains.... imagine la suite du coup de vent avec le bateau ouvert...!

-Mercredi 2 avril 2008

    J'ai l'impression que le vent a mollit un peu, je met le tourmentin et arrive à faire route vent de travers ( j'peut pas plus) cap au 130, dans l'après midi je peut remettre la grand voile avec trois ris et je peut me rapprocher du vent un peu, puis je remet cap au nord le vent baisse graduellement mais la mer et toujours forte ce qui fait que je fais quasiment du sur place (c'est déja ça) et ça cogne terriblement.

-Jeudi 3 avril 2008 

    C'est déjà mieux, deux ris plus un bout de génois enroulé, la mer s'atténue un peu, en fin de journée j'ai repris la position que j'avais trois jours avant (glupps), mais c'est repartis, cap au Nord! et ça cogne et ça cogne.

    J'ai un peu mal à la gorge je me fait un grog bien tassé (la bouteille s'est trop deversée dans un coup de gite), bilan, je suis pompette, c'est du propre! je m'endors pendant trois heures sans veille (même si y'a pas trop de risques y'a quand même un bon dieu pour les arsouilles) mais je n'ai plus mal à la gorge.

-Dimanche 7 avril 2008 

    Le vent et la mer ont mollis progressivement jusqu'à force 4, l'idéal sauf que c'est dans la gueule mais ça c'est normal je met toute la toile, la première fois depuis le départ ça fait du bien.

-Lundi 8avril 2008

    Le vent vire au Nord ça y est les alizés sont passés cap direct sur les Açores distance 1574 milles.

-Les jours suivants qui se suivent...

     Du vent faible et variable de toutes les directions et des moyennes désastreuses pendant 14 jours (j'aurais dut réparer mon spi encore une négligence) le moteur a été mis à contribution plusieurs fois, bilans: presque cent litres de gazoil (pas très écologique tout ça) et les voiles ont souffert dans le petit temps car même sans beaucoup de vent il y'a quand même de la houle et les voiles "claquent" à chaque fois qu'une vague passe, même avec une chambre à air en amortisseur (merci monsieur Hutchinson) je n'arrive pas à garder la grand-voile gonflée constamment (si quelqu'un a une astuce je suis preneur) en plus, comme je n'ai plus de régulateur je fait des installations bizarres pour que le bateau avance tout seul, ça fonctionne à peu prés, il faut dire que Little est quand même bonne pâte mais quelques fois dans le très petit temps je met le pilote électrique, bonjour la faînéantise.

    Les jours s'écoulent tranquillement au rythme de Little bigorneau (tranquille quoi) mais il faut quand même toujours faire attention au réglage des voiles afin d'optimiser l'avance du bateau (ne pas rire S.V.P), ne serait ce que pour gagner un demi nœud ce qui sur la durée fait quand même gagner deux ou trois jours.

Je n'ai pas croisé beaucoup de monde durant la traversée, cinq ou six cargos, un seul voilier, une baleine ,sept ou huit tortues de mer, une bonne quinzaine de groupes de dauphin, et des centaines de sorte de méduse qui flottent avec une petite voile se laissant porter par le vent, des cousins en sommes (je vais rechercher le nom exact de ces méduses car je n'en avais jamais vu avant )

-Mardi 22 avril 2008

    200 milles des Açores le temps se couvre de gris avec de la pluie, le baromètre baisse progressivement (je ne dit pas combien car mon baro. est étalonné d'une manière fantaisiste qui ne correspond jamais à ce qu'annonce les bulletins météo) le vent tourne progressivement du Nord au Sud en passant par l'Ouest.

-Jeudi 24 avril 2008

    Le temps est super cracra, ciel gris foncé avec de gros nuages noirs, vent assez fort (30noeuds) et des ondées carabinées, je fais route vers l'île de Faîal sous trois ris plus un bout de génois, à quinze milles de l'île je ne la voit toujours pas, j'hésite à retourner au large car j'ai le pressentiment qu'un coup de vent se prépare (y'a pas besoins d'être Mme Hirma pour le deviner), puis dans les nuages gris, l'île apparait, je m'approche toujours en hésitant car il y'a parfois de violentes rafales et le temps est lugubre et glacial (en tout cas par rapport aux Antilles), quand j'arrive près de la côte je me fait doubler par un voilier Anglais (damned armez les canons!) lui aussi a le minimum de toile, ça me rassure un peu de ne pas me savoir tout seul (je sais c'est con) en plus il y'a de forte chance pour qu'il aille au même endroit que moi, j'atteins pratiquement les 6 nœuds avec mon génois bien enroulé qui fait un creux abominable (que les régatiers puristes ne rigolent pas S.V.P) finalement j'arrive rapidement sur Horta j'affale au dernier moment car la mer commence à moutonner dans la passe, c'est pas le moment de tomber en panne moteur, mais rentrer à la voile dans un port qu'on ne connais pas parfaitement, en solo, à la nuit tombante c'est pas le top non plus, finalement ça ce passe assez bien , sauf qu'arrivé au quai une très violente rafale me stop et me fait reculer sur un autre voilier (celui qui m'avait doublé quelques temps avant ) le moteur à fond, rien à faire ça ne répond pas, les deux bateaux se touche et mon balcon avant s'encastre sous le sien, Little Bigorneau visiblement en mal d'affection après 29 jours de mer se met ensuite à couple de l'autre bateau, ouf! plus de peur que de mal, mon balcon a maintenant une drôle de tête et de la peinture en moins.

    Quelques personnes sont sur le quai malgré le mauvais temps et m'aident à finir la manœuvre, ils me préviennent de doubler les amarres car le vent va se renforcer dans la nuit (glupps) je range le bateau, je fonce vers une cabine (téléphonique pas de douche mais c'est pareil car il recommence à pleuvoir) pour donner des nouvelles (difficilement car les cabines ne marchent qu'avec des cartes spéciales et les instructions sont en portugais!), retour au bateau, le vent souffle avec des rafales et on a du mal a marcher contre le vent qui hurle dans les haubans de la marina, il pleut il fait un froid de canard, je me fait une bonne soupe bien chaude et au dodo....mon sac de couchage est humide et pue comme si je l'avais partager avec un éléphant de mer mais ça n'a pas d'importance.

 

 

 
yann quenet & little bigorneau




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